Vinthe l'incube

Lettre I

Cher journal,

Je t'ai longtemps négligé, n'ayant pas la force ni l'envie d'épancher mes pensées sur tes pages immaculées.
Aujourd'hui, pourtant, j'ose apposer noir sur blanc mon empreinte sentimentale dont tu resteras marqué à jamais. Oui, je suis décidé.
Je ressens à ce jour le besoin inexplicable de coucher de belles phrases avec des mots choisis car aucune chose au monde ne les mérite mieux que les méandres de mon cœur.
J'ai pris ma plus belle plume et ouvert un flacon de la meilleure encre, soit le prolongement de ma volonté distillant l'essence de mon esprit et je te choisis comme interlocuteur. Saches que, pour moi c'est une première, les précédents écrits où je relatais les états de mon âme étaient impersonnels, sans destinataire et ont connu un sort funeste. Mais cela n'a plus d'importance, j'ai tourné la page, je t'ai ouvert et je compte bien ne pas te faire subir la même fin.
Je ne prétends pas pour autant être intéressant, j'ai simplement besoin de toi, ouvert, prêt à accueillir le délire de ma vie.

Ce soir j'ai ressenti une étrange chose, comme si je me matérialisais pour la première fois de mon existence.
Certes j'étais déjà né et avais vécu quelques paires d'années, mais mon impression quand j'y songe est que je n'étais pas complètement réel, que la majorité de mon être restait nébuleux, parfois évanescent. C'est comme si le temps avait glissé autour de moi sans jamais m'emporter dans son flux par absence de prise.
Mais ce soir mes particules se sont rassemblées et je peux sentir le courant. Il est fort, vertigineux.
Je suis encore accroché au bord, j'ai pourtant coupé beaucoup de liens m'y retenant, mais tous ne me sont pas encore accessibles. Je dois les trouver, rester au bord m'épuise et déjà je sens mes particules sur le point de se dissocier à nouveau. Je me débats.
Je veux y arriver !